P h i l o s o p h i e   d u   b o i s

et    p o s i t i o n n e m e n t s

 
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A R C H É O  -  L U T H E R I E

Il n'y a pas de vérités, seulement des propositions éclairées

 

Démarche

Construire des instruments de musique du Moyen Âge ne se réduit pas à la reproduction de modèles existants, pour la simple raison que les vestiges d'instruments sont extrêmement peu nombreux, principalement constitués d'éléments disparates et souvent mal conservés. De plus, les quelques rares instruments qui nous sont parvenus dans un bon état de conservation datent pour la plupart de la seconde moitié du XVe siècle et ne sont donc pas représentatifs de la diversité des instruments qu'ont connue tous les siècles qui constituent le Moyen Âge.

Le parti-pris de l'atelier est d'adopter une démarche archéo-musicologique expérimentale. Appelons-la Archéo-lutherie. Elle consiste à réaliser des instruments avec l'approche la plus historique que  permet l'état des connaissances actuelles. La restitution d'instruments disparus dépasse largement la seule dimension artisanale du travail de luthier. Elle nécessite un profond travail de recherche qui touche à une grande diversité de domaines et implique de suivre une éthique de travail intransigeante. Ce travail de recherche demande un aller / retour constant entre l'archéologie, l'histoire des cultures, l'histoire de l'art et des techniques, l'iconographie, la musicologie et la sociologie musicale... C'est seulement par ces recherches qu'il est possible d'inscrire, dans les moindres détails, un instrument dans son contexte historique.

 

Du début à la fin, de l'arbre à la corde, chaque élément de l'instrument est réalisé à la main, dans le respect des procédés historiques.

 

 

Forêt

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Seules des essences de bois originaires de la région d'usage historique de l'instrument sont employées : il s'agit exclusivement d'arbres indigènes européens. Les bois que j'utilise sont issus d'arbres que j'ai moi-même coupés. La plupart de ces arbres proviennent de ma région d'origine : les Alpes de Haute Provence. C'est là que, après débitage, le bois est soigneusement rangé pendant plusieurs années de séchage naturel. Cela suppose une bonne connaissance des arbres, des périodes de coupe et de la conservation du bois.

 

Chaque partie de l'instrument demande l'usage d'essences de bois spécifiques ayant chacune des caractéristiques propres : fruitiers, feuillus ou résineux.

 

Les différentes parties d'un même arbre permettent de réaliser des pièces particulières. Pour une même pièce, tel ou tel bois peut être sélectionné pour ses propriétés mécaniques, acoustiques ou esthétiques. Chaque bois offre des propriétés acoustiques spécifiques : c'est déjà à ce niveau que se modèle la sonorité de l'instrument.

 
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Sculpture

Être "faiseur" d'instruments du Moyen Âge, c'est être aussi sculpteur sur bois. Le procédé de construction des instruments à corde médiévaux consiste à façonner les pièces et les volumes dans la masse et de faire le moins possible usage de la colle. On dit alors d'un instrument dont le corps est taillé dans une seule pièce de bois qu'il est monoxyle. Sculpter l'instrument dans la masse est un procédé traditionnel suivi depuis l'antiquité romaine jusqu'au rebec de la Renaissance : des vièles à archet sculptées au XIIe siècle par Maître Mateo sur le Portico de la Gloria à St Jacques de Compostelle à la lira da braccio du XVIe siècle, chevillier, manche et flancs de caisse de résonance sont sculptés dans une même pièce de bois.

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Compas

Lorsque l'on porte un regard attentif aux images d'instruments, on réalise que les maîtres du passé nous livrent souvent des détails infimes mais précieux. En plus des restes archéologiques, la principale source d'information de l'archéo-luthier est l'iconographie musicale, c'est-à-dire les représentations d'instruments dans le mobilier sculpté, l'enluminure des manuscrits et la peinture. À partir de ces sources, il s'agit de jouer de confiance avec l'auteur de l'image et de révéler le tracé des instruments. Chaque instrument demande alors des heures de travail pour révéler ce tracé, en s'appuyant sur les règles de proportion, pour lesquelles le compas était le principal instrument des maîtres d'oeuvre au Moyen Âge. Une fois le tracé réalisé, il reste à préciser les caractéristiques structurelles de l'instrument, la technique de construction, puis l'essence de bois convenable.

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Oreille

 

L'aspiration de l'archéo-lutherie est de découvrir des sonorités inédites... et de ne pas reproduire celles d'instruments que les siècles ultérieurs ont façonnées pour répondre aux besoins de leur musique.

Quelle était la sonorité de ces instruments ? Cette question que se pose tout interprète des musiques anciennes butera toujours sur l'impasse de la quête d'authenticité. La réponse proposée par l'archéo-lutherie est de suivre une piste qui prend le problème par le dessous : si l'on connaît les matériaux et les techniques de fabrication, si l'on est attentif à tous les détails que nous donnent les restes archéologiques et l'iconographie, et si on a une idée de la musique à laquelle ces instruments étaient destinés, alors il y a des chances pour que la sonorité résultant de l'objet construit ne soit guère éloignée de celle qu'entendaient les oreilles de jadis.

Pour affiner la sonorité, il reste à ajouter ce que l'on sait des critères esthétiques, des pratiques musicales et des contextes d'exécution au service de l'intuition du « faiseur » d'instruments, dont la tâche est de concilier ergonomie, adaptation au répertoire musical, connaissances scientifiques et exigences du musicien, sachant qu'au final l'instrument doit toujours permettre à la musique d'être une médecine de l'âme.

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